C’est magnifique. Je marche seul dans cet univers montagneux incroyable. Des sommets à perte de vue, des panoramas à 360 degrés à couper le souffle. Je marche seul dans ce brouillard épais qu’on trouve si souvent en altitude, je ne vois pas plus loin que 15 mètres, je m’oriente presque exclusivement au GPS. Le brouillard donne un côté mystique aux forêts et accentue le sentiment d’isolation quand je suis dans un univers dégagé. Je rencontre des moutons, des vaches, un tas de chevaux. Je me fais survoler par d’immenses rapaces sauvages que je n’avais jusqu’à présent observés qu’au zoo.
Je marche avec 3 litres d’eau au lieu de 1,5 habituellement. Les sources d’approvisionnement en eau et en nourriture sont rares. Contrairement aux sentiers français que j’ai empruntés, le GR12 que je suis actuellement ne passe pas souvent par des villages, et la documentation topographique est mauvaise. Je suis parti hier de Lekunberri en pensant que mon prochain village serait dans 3 jours, espérant trouver des abreuvoirs d’eau pour les animaux en chemin, au risque d’être bien ennuyé. Heureusement, aujourd’hui j’ai découvert un restaurant en bord de route nationale qui me permet de manger au sec et vous faire parvenir ce petit mot.
Il pleut beaucoup ces jours. Mes chaussures sont trempées, j’ai perdu ma 2ème paire de chaussettes. J’ai de nouveau des ampoules. Je commence mes journées avec les pieds mouillés.
J’apprends l’espagnol pour communiquer avec les locaux. J’y consacre une heure par jour. Les rares fois où j’ai croisé quelqu’un, on m’a demandé: – Où as-tu commencé la journée? – Je ne sais pas, quelque part en forêt entre deux sommets. – Et où vas-tu maintenant? – Je ne sais pas, je suis le chemin.
Je suis mon chemin. Je ne sais pas trop par où il passe, je sais d’où je suis parti il n’y pas si longtemps, je sais vaguement dans quelle direction je vais. Pour le reste, je ne crois pas que ce soit tellement moi qui décide.